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Un matin de mars, vers cinq heures, le narrateur, en proie à l'insomnie, se promène sur une plage déserte.

"Tout le reste était, comme toujours, désert de sable et mares d'eau stagnante infiniment étendues.
La jeune femme était là, près de la première mare. Elle semblait tourner en rond, comme si elle avait cherché des coquillages. A moins de supposer qu'elle attendait quelqu'un. Hypothèses plausibles, certes, qui ne pouvaient cependant pas me rassurer : même en été, je n'avais jamais rencontré personne sur cette plage oubliée, trop vaste pour être exploitée.
Alors que j'avançais vers elle, la jeune femme se retourna et me vit. Elle me dévisagea sans surprise, sans frayeur et sans accuser la moindre réaction. On aurait pu croire qu'elle m'attendait là depuis quelques instants et qu'elle me voyait venir sans rancune et sans joie. Je fus encore plus étonné de découvrir l'étrangeté et la beauté de son visage que je ne l'avais été d'apercevoir une jeune femme errant sans but apparent dans un endroit perdu. Sa présence aussi me frappa : l'immensité du décor n'arrivait pas à l'écraser ; elle s'imposait dans ce décor avec la force immobile qu'aurait dégagé un objet invraisemblable, déplacé, mais nécessaire.
- Vous croyez que la mer peut descendre plus loin ? me demanda-t-elle.
Je lui répondis que non, sauf aux grandes marées, en pensant qu'elle m'avait adressé la parole comme si elle m'avait connu depuis longtemps, alors qu'elle me donnait, au contraire, l'impression d'appartenir à une race totalement étrangère. Son profil surtout était surprenant. Un véritable profil d'oiseau de proie, sculpté dans une hautaine expression de fierté et de glaciale intransigeance. Ses yeux avaient exactement la couleur du sable mouillé, comme s'ils n'avaient été que deux minuscules flaques de vase. Même leur expression évoquait cette plage déserte : quelque chose de figé dans une calme désolation, d'irréductiblement accompli en marge de tout espoir d'une flambée de joie.

La jeune femme passe la journée chez le narrateur. Elle parle peu et reste souvent assise. Le
soir arrive.

C'est alors que je lui demandai de rester, cette nuit, toutes les autres nuits ; de rester vivre avec moi.
- Nous vivrons ensemble, dit-elle, plus longtemps que vous ne pourriez le croire.
En disant cela, elle s'approcha de moi et sa main avec beaucoup de tendresse m'effleura un instant le cou. Je demeurai sur place, incrédule. Et sa main me parut si froide, si inexplicablement glacée.
- Il faut que je parte maintenant, dit-elle.
- Mais vous reviendrez ?
- Oui, je reviendrai certainement.
- Demain ?
- Demain, sans doute. Très bientôt de toute façon.
- Je puis vous croire ?
- Vous pouvez. Je reviens toujours.
Je la croyais d'ailleurs. Elle parlait si doucement, si lentement et chaque syllabe avait une telle force de persuasion. Une force intérieure, à la fois brûlante et glaciale, qui pouvait être la température de n'importe quel aveu de passion ou de haine. Et son regard m'affirmait qu'elle ne mentait jamais. Son regard qui s'était changé en une invisible chose dont je devenais la proie, la nourriture.
- C'est dommage, murmura-t-elle avant de quitter la maison.
Je voulus lui parler. Mais elle était déjà loin. Elle ne se retourna pas une seule fois.
Je ne fermais pas l'oeil de la nuit. Je l'attendais, tout en sachant qu'elle ne reviendrait pas avant le lendemain. Mais le lendemain, elle ne revint pas non plus.

Le narrateur décide brusquement de partir à sa recherche en voiture. Il se remémore les instants passés avec la jeune femme.


Elle avait erré pendant une demi-heure dans la maison, elle avait été jusqu'au garage...- Toute seule. ", elle m'avait précisé. Je me souvenais vraiment de tout. Mais comment oublier son visage, son regard à la fois distant et si proche, le sourire chargé d'amertume et d'ironie qui avait fini par modeler ses traits ? Impossible d'oublier, inutile. De même qu'il était inutile de prétendre que je voulais la retrouver pour lui poser des questions. Quelles question ? Je savais, jamais je n'avais rien su avec autant de force. La retrouver pour la revoir. Aller à elle pour ne pas l'attendre plus longtemps. Parce que je tenais à elle. Je l'aimais, oui, je la désirais. Le lui dire, le lui hurler au moins une fois. Une dernière fois. Et cela en connaissant son nom. Le lui avouer également en lui jetant la vérité au visage, la glaciale vérité.
J'appuyai sur l'accélérateur.Cent soixante kilomètres à l'heure. Impossible de monter plus haut Pourquoi l'avoir laissé partir alors qu'il aurait suffit d'un seul geste ? Si calme, si douce. Ma vie pour revoir un de ses sourires pendant un instant. Ma vie et lui dire que...
Je vis le camion qui débouchait à droite, au carrefour que je savais si dangereux. Je vis le camion et je pouvais l'éviter.Il suffisait de freiner. De tout mon poids, je me laissai aller sur le frein. Et cette sensation alors de tomber en avant, la masse énorme du camion déjà si proche qui devenait les ténèbres du puits dans lequel je tombais, j'allais donc la manquer d'une seconde, si proche, tombée de si haut.... Te revoir une seconde et puis... mais si loin, deux jours déjà... et ce bruit qui devenait une fosse lui aussi, le bruit et l'ombre, son sourire et la vitesse, tout en un seul vertige qui cédait...
Quand on retira l'homme des débris de la voiture, il était mort. Le camion avait assez bien résisté au choc.
On fit une enquête. Pour la forme.
- Pas étonnant qu'il se soit tué, dit l'un des inspecteurs. Ses freins étaient complètement pourris. Morts.

1. Jacques Stenberg, Marée basse, Entre deux mondes incertains, Denoël, 1957.

Le lendemain de sa mort, le narrateur reçoit une lettre de la femme de la plage. Elle y explique sa présence matinale, les raisons de son départ et de sa visite au garage.

Rédigez cette lettre : vous pouvez garder le registre fantastique du texte ou choisir une manière plus réaliste. Dans tous les cas, essayer de garder une cohérence psychologique et narrative.

Une correction

également : épistolaire 1 et 2


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