Eléments de corrigé I - Compétences de lecture (10 points) 1- Quels sont les univers qu'oppose le poème de Paul Eluard ? Justifiez votre réponse en vous appuyant sur l'analyse des réseaux lexicaux de votre choix. (3 points) Plusieurs univers s'opposent dans le poème de Paul Eluard. Le réseau lexical dominant de la première strophe est celui de l'amour («front parfait», «profond», «yeux», «regarde», «bouche», «embrasse») ; cette évocation est reprise explicitement au vers 10 («de la douceur qui lie nos mains ») et est développée dans la troisième strophe : à la tendresse du couple sont associées la douceur et la beauté du monde («fruits», «fleurs», «terre belle et bonne»). Dans les strophes deux et quatre les réseaux lexicaux s'organisent autour du thème de la souffrance et de l'emprisonnement («espoir enterré », «larmes », «noir», «plaintes », «peur», «prison», «déportées », «martyrisés », «massacrés », «ombre »). Ainsi, en alternance, les strophes un et trois d'une part, deux et quatre d'autre part, définissent deux univers vigoureusement opposés ; par effet de contraste, l'un (l'oppression) éclaire l'autre (l'amour) et lui donne toute sa valeur. Dans la dernière strophe, le réseau lexical de la lutte et du devoir de résistance («Il nous faut») constitue la résultante des réseaux lexicaux précédents : la révolte tire son origine et sa légitimité de la mise en relation de ces deux réseaux antithétiques. Le poème se présente ainsi comme une juxtaposition d'univers a la fois imbriqués et opposés. 2 - Quel est l'effet produit par la répétition de «Au nom»? En quoi la dernière strophe constitue-t-elle l'aboutissement des quatre strophes précédentes? (4 points) Les quatre premières strophes sont scandées par l'anaphore «Au nom» (onze occurrences, en début de vers). Sont ainsi associés éléments concrets - la femme aimée, les victimes de l'oppression par exemple - et éléments abstraits - «l'espoir», «la douceur». Ce procédé, qui accumule et mêle les références fait l'effet d'une complainte, d'un leitmotiv presque obsessionnel. Il crée une attente chez le lecteur, attente comblée dans la dernière strophe «Il nous faut drainer la colère et faire se lever le fer», appel au combat qui apparaît alors comme une réponse, comme la justification de l'accumulation des évocations précédentes A la fois pour mettre fin à l'oppression («Au nom des hommes en prison... ») et retrouver un monde d'amour(«Au nom des rires dans la rue.. »), il faut résister. Le poème est ainsi construit selon une organisation et une logique, non exemptes d'intention didactique, qui visent à convaincre le lecteur («nous ») de la nécessité et de la justesse de la résistance. Dans cette perspective, on notera que le dernier mot du poème est, significativement, «triompher». 3 - Le poème de Paul Éluard a été écrit en 1943. La chanson de Jean Ferrat a été composée en 1963. Quelles sont, à des moments différents, les intentions respectives des deux auteurs ? En quoi, pour un lecteur d'aujourd'hui, les deux textes peuvent-ils se rejoindre? (3 points) Lorsque Paul Eluard écrit en 1943 «Les sept poèmes d'amour en guerre», la France est sous le joug de l'occupation nazie. Dans ce contexte, le poème se présente comme un appel à la résistance: il s'agit de «faire se lever le fer» c'est-à-dire prendre les armes contre l'ennemi. La poésie se veut ici utile, au service d'une juste cause. Composée vingt ans plus tard, la chanson de Jean Ferrat rend hommage aux victimes de la déportation et sans doute, plus particulièrement, aux résistants, à leur combat, à leur dignité («Ils voulaient simplement ne plus vivre à genoux», vers 1 du fragment). Toutefois, le chanteur élargit son propos au moment où il s'exprime: c'est en outre à un véritable devoir de mémoire auquel il convie le lecteur/auditeur de «Nuit et Brouillard»: il s'agit de transmettre aux générations suivantes le souvenir du combat des résistants «pour qu'un jour les enfants sachent qui vous étiez». Même si les situations d'énonciation sont séparées par vingt ans - l'âge d'une génération - même si les intentions ne sont pas exactement similaires, on peut rapprocher les deux textes: la période évoquée, le combat, le souci de la dignité humaine, l'exigence de liberté sont identiques. On peut même rapprocher terme à terme les deux textes : ainsi «le sang [qui] sèche vite en entrant dans l'Histoire» (vers 4 de la chanson) fait-il écho directement aux «camarades martyrisés et massacrés» (vers 15 et 16 du poème) ; «L'ombre s'est faite humaine» de Jean Ferrat (vers 7 du fragment) apparaît comme une résonance du vers 17 de Paul Eluard: «Pour n'avoir pas accepté l'ombre». Pour un lecteur d'aujourd'hui, à la fin du XXème siècle, ces deux textes peuvent s'inscrire dans une même perspective historique: ils attestent, comme deux jalons, d'un moment de l'histoire. Au-delà, ils témoignent du rôle que joue l'écriture lorsque le temps éloigne et efface la réalité historique, seuls demeurent pour les générations futures les mots - ceux du poète et du chanteur - comme trace indélébile de ce qui fut. II Compétences d'écriture (10 points) Quelques critères d'évaluation: - respect de la longueur («une quarantaine de lignes ») - qualité de l'expression (syntaxe, orthographe, richesse du vocabulaire) - pertinence du choix effectué dans la réalité historique du vingtième siècle (soit une «personnalité», soit un «événement marquant ») - le libellé «écrivez votre contribution » autorise tout type d'écrit - y compris le récit, la poésie... - la justification (implicite ou explicite) du choix opéré doit être prise en compte et valorisée - maîtrise de l'écrit choisi (norme, forme, énonciation, etc.) J-P Durand, H Germain, I.E.N. Lettres Rectorat de Nantes Sommaire |